Les femmes voilées ont plus de 80% de chances en moins de décrocher un contrat d’apprentissage !

Une étude dévoile une discrimination massive à l’embauche pour les femmes voilées en France. Une pénalité de 81% limite leur accès à l’apprentissage, indépendamment de leur origine.

Publié : 11 décembre 2024 à 11h42 par La rédaction

Islam - femme voilée
Crédit : Freepik

L'accès au marché du travail pour les femmes voilées reste une problématique criante en France, comme le démontre une étude inédite sur les candidatures à des contrats d’apprentissage.

Ce travail, basé sur des tests rigoureux, révèle une discrimination systématique à l’égard des candidates portant un voile, indépendamment de leur origine. Les résultats interpellent et appellent à des réformes.

Un protocole rigoureux pour mesurer l’impact du port du voile

L'étude, menée par l'Observatoire National des Discriminations et de l'Égalité dans l'Enseignement Supérieur (ONDES), a utilisé une méthode bien connue en sociologie : le test par correspondance.

Entre mars et avril 2024, 4 000 candidatures fictives ont été envoyées à 2 000 PME parisiennes. Les candidatures, soigneusement appariées, différenciaient uniquement un critère visible : le port du voile.

Les candidates fictives, toutes en première année de BTS Comptabilité-Gestion, étaient réparties en deux groupes principaux : celles signalant une origine française par leur nom et prénom, et celles signalant une origine maghrébine.

Toutes possédaient les mêmes qualifications, diplômes et expériences professionnelles, et leur CV était strictement comparable en termes de compétences. Seule la photographie variait, montrant les candidates soit voilées, soit non voilées.

Un champ d’étude pertinent

L’étude a choisi de se concentrer sur l’accès à l’apprentissage, un domaine où les discriminations devraient théoriquement être faibles, en raison de la nature temporaire des contrats et des avantages économiques pour les entreprises. Pourtant, les résultats montrent une tout autre réalité.

Des résultats alarmants : une pénalité massive pour les femmes voilées

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le port du voile entraîne une baisse de 81% des chances de recevoir une réponse positive. Les candidates sans voile, qu’elles soient d’origine française ou maghrébine, obtiennent environ 13% et 8% de réponses positives respectivement. À l’inverse, les candidates voilées voient leurs chances chuter à seulement 2,5% pour les Françaises voilées et 1,2% pour les Maghrébines voilées.

En termes de réponses non négatives (accusés de réception ou demandes d’informations supplémentaires), les femmes voilées obtiennent également des scores largement inférieurs. Là encore, l’écart est frappant : environ 3% pour les candidates sans voile contre moins de 1,5% pour celles portant un hijab.

« Le port du voile constitue un signal religieux si fort qu’il efface les autres caractéristiques des candidates, qu’elles soient liées à leurs compétences ou à leur origine », souligne le rapport.

Origine et religion : des discriminations distinctes mais cumulables

Une des découvertes majeures de cette étude est l’absence de discrimination significative basée sur l’origine seule, en tout cas dans le contexte spécifique des contrats d’apprentissage.

Contrairement à de nombreuses études précédentes, l’origine maghrébine n’a pas joué un rôle décisif dans les réponses obtenues. Ce constat peut être lié au caractère court et temporaire des contrats d’apprentissage, qui semble atténuer certains biais discriminatoires.

En revanche, le port du voile agit comme un véritable frein, indépendamment de l’origine. Que la candidate soit d’origine française ou maghrébine, les pénalités sont similaires. L’effet croisé, qui aurait pu amplifier la discrimination, ne s’observe pas ici. Cela signifie que le port du voile constitue une discrimination autonome, distincte de celle liée à l’origine.

Un contexte socio-politique tendu

Ce rapport s’inscrit dans un climat marqué par une montée des tensions religieuses en Europe. En France, les débats autour du port du voile continuent de polariser les opinions.

Depuis l’affaire des foulards de Creil en 1989 jusqu’aux récentes polémiques sur l’interdiction des abayas dans les écoles, le voile reste au cœur des controverses sur la laïcité et les valeurs républicaines.

Pourtant, le droit français ne prohibe pas le port du hijab dans le secteur privé, sauf stipulation explicite dans les règlements intérieurs. Malgré cela, les discriminations persistent, révélant un écart important entre les principes légaux et les pratiques sur le terrain.

Les implications pour l’avenir

Avec plus d’un million de jeunes en apprentissage en 2023, cette voie représente un levier crucial pour l’intégration des nouvelles générations sur le marché du travail. Les discriminations identifiées par cette étude posent donc des questions fondamentales sur l’égalité des chances en France.

« Cette expérience montre qu’une pénalité associée à un signal religieux peut exister indépendamment de toute pénalité liée à l’origine. Cela nécessite une distinction claire entre ces deux formes de discrimination », conclut l’équipe de chercheurs.

Ce rapport appelle à une réflexion urgente. Comment garantir un accès équitable à l’emploi pour toutes et tous, indépendamment de leur apparence ou de leurs convictions ? Des politiques publiques renforcées, une sensibilisation accrue des recruteurs et une application stricte des lois anti-discrimination sont indispensables pour transformer cette réalité.