Hommage à Arezki Ammi

20 mai 2020 à 14h14 par Nacer Kettane

Toujours enclin à flairer le danger, à débusquer les menaces, sempiternelle vigie veillant aux alertes, tour de contrôle assurant notre sécurité Arezki AMMI n'aura pas vu venir ce monstre dévorant les vies qui n'a pas fait de quartier au cœur d'une pandémie mangeuse d'hommes, dévastant des familles, endeuillant les pays, meurtrissant à jamais plusieurs générations.


Malgré les soins prodigués à Paris, le TGV sanitaire et malgré les équipes orléanaises qui se sont battues jusqu'au bout, Arezki AMMI a rendu l'âme dans un ultime combat au bout d'un mois et demi de réanimation. Et pourtant des combats, il en a mené !


Faisant front aux intolérances, aux discriminations, aux violences racistes, aux oppressions et répressions de toutes sortes. Les haines xénophobes et les atteintes aux libertés des dictatures post-coloniales avaient pour lui la même base nauséabonde qu'il fallait dénoncer, affronter, vaincre.


C'est son père mort au combat pour la révolution algérienne qui aurait été fier de ce jeune garçon désormais orphelin foulant le sol français, rejoignant sa famille, alors qu'il a à peine 15 ans.


Dans le sillage de ses aînés, il s'engagera très tôt aux avant-postes et aux côtés de ceux qui réclameront l'instauration de la démocratie en Algérie. Militant du FFS (Front des Forces Socialistes), le parti de Hocine Aït-Ahmed lui permettra de fourbir ses plus belles armes et d'acquérir une conscience politique qui lui permettra de surmonter les épreuves.


Membre du comité contre la répression en Algérie, on le verra soutenir le printemps amazigh de 1980, appeler à la libération des détenus, dénoncer les tortures. Évoluant comme un poisson dans l'eau dans cette belle émigration algérienne ferment de toutes les indignations et révoltes, creuset du mouvement national algérien pour l'indépendance, Arezki AMMI était un repère. Médiateur hors pair, il s'est évertué à apaiser et régler les conflits par l'écoute, le dialogue, le consensus.


On faisait appel à lui comme à un parent, à un frère. Et de cette fraternité militante, il en a fait une science, une arme au service de la paix. Il venait souvent nous rendre visite à Radio Beur. Il se sentait chez lui et s'était pris d'amitié et d'affection avec nombre d'entre nous. Combien de réunions, de spectacles, de meetings où Arezki créait et entretenait la fluidité, l'harmonie. Jamais énervé, c'était l'homme du dégoupillage et des solutions. Nous échangions régulièrement nos impressions sur de nombreux sujets :  l'immigration, la vie politique en France, la situation en Algérie.


Conseiller municipal à Saint-Denis, il s'employait à faire vivre la mémoire comme les célébrations du 17 octobre 1961, ou encore de saluer les « départs d'éminentes personnalités comme Si L’Hafid, figure emblématique du FFS.


Les citoyens, le peuple, les élus ne s'y trompaient pas. Ils trouvaient en Arezki un homme droit, fidèle, fiable. De magnifiques épisodes de bravoure allaient permettre à la collectivité, à la mairie de Saint-Denis de lui témoigner leur reconnaissance en lui décernant la médaille de la ville et du courage citoyen.


Cette propension à voler au secours de l’indigent, à s'ériger en rempart face à l'adversité, à l’arbitraire, à la haine, il la puisait au plus profond de son éducation kabyle et de sa culture amazigh. 


Engagé dans une solidarité tous azimuts, il ne ménageait pas ses efforts pour envoyer médicaments, chaises roulantes, vêtements, équipements sportifs, livres de l'autre côté de la Méditerranée. Partie prenante et ccteur décisif du jumelage entre Saint-Denis et Larbâa Nath Irathem en Kabylie, il envisageait encore de nombreuses actions en Algérie notamment en direction des hôpitaux et des plus démunis.


En cette folle épidémie de coronavirus, il aurait été le premier à envoyer masques et respirateurs artificiels en Algérie.


Je suis sûr que Arezki AMMI aurait aimé accueillir Karim Tabou à sa sortie de prison, donner une interview à Khaled DRARENI devenu patron d'un journal libre et indépendant, faire un discours en tamazight à la tribune de l'UNESCO, montrer fièrement son passeport algérien avec un entête en tifinagh, continuer à partager la galette kabyle avec les nécessiteux ; et enfin saluer la régularisation définitive des sans-papiers d'origine algérienne.


Rêver à une Algérie meilleure comme vient de le déclamer le journal satyrique en ligne El Manchar, contraint de mettre la clé sous la porte.


Arezki AMMI était amoureux de la vie.


Gonflé à bloc par son optimisme légendaire, il avait toujours un projet d'avance. A l'homme qui n'a jamais baissé les yeux, au citoyen droit et généreux, à l’humaniste engagé et toujours vivant, je souhaite le plus beau des voyages.