Dématérialisation des titres de séjour : 10 associations saisissent le Conseil d’État pour dénoncer un système injuste et défaillant !

Face aux blocages administratifs causés par la plateforme ANEF, les associations dénoncent une précarisation massive des personnes étrangères et un frein à leur insertion.

Publié : 8 avril 2025 à 15h47 par La rédaction

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Crédit : ANEF

Depuis 2021, la plateforme numérique ANEF (Administration numérique pour les étrangers en France) est censée centraliser et faciliter les démarches liées aux titres de séjour. En réalité, elle est devenue, selon de nombreuses associations, un véritable obstacle à l'intégration et à la dignité des personnes étrangères.

Mardi 27 mars, dix organisations majeures ont saisi le Conseil d’État

pour « carence fautive », afin d’exiger de l’État qu’il corrige les dysfonctionnements persistants de ce service public numérique.

Un système qui fabrique de la précarité

En principe, la plateforme ANEF devait simplifier la gestion des titres de séjour, qu’il s’agisse de premières demandes ou de renouvellements. Mais pour 83% des titres concernés, la promesse s’est transformée en cauchemar administratif. Pannes fréquentes, impossibilité d'accéder à certaines démarches, absence de retours, lenteurs injustifiées : autant de freins qui laissent de nombreuses personnes sans documents valides.

Les conséquences sont lourdes. Des personnes protégées au titre de l’asile perdent leur droit au travail, voient leur contrat rompu ou se retrouvent dans l’impossibilité de signer un nouveau bail. Des familles sont empêchées de faire valoir leurs droits, et les associations, déjà mobilisées au quotidien, s’épuisent à pallier les défaillances d’un système qu’elles qualifient de « kafkaïen ».

Une alerte restée sans réponse

Malgré de nombreux signalements remontés au ministère de l’Intérieur, rien n’a changé. En décembre 2024, les 10 associations désormais requérantes avaient envoyé une lettre officielle au ministre, accompagnée de propositions concrètes pour améliorer la plateforme. Sans retour satisfaisant, elles ont décidé de saisir le Conseil d’État.

« Ce mur dématérialisé et pourtant bien réel opposé au séjour et au travail de tant de personnes étrangères […] doit tomber », affirme Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), dénonçant l’impact de ces dysfonctionnements sur la dignité humaine et la bonne marche des entreprises.

Des vies suspendues à un bug

Le quotidien de nombreuses personnes étrangères s’en trouve bouleversé. Pour Sylvestre Wozniak, directeur général de Forum Réfugiés, l’ANEF met en péril l’insertion des réfugiés. « Ils se retrouvent confrontés à des ruptures brutales dans leur parcours vers l’emploi ou l’accès au logement. » Il rappelle que leur intégration rapide est aussi dans l’intérêt de la société.

Agnès, bénévole pour JRS France, évoque de son côté une plateforme « déshumanisante » et un parcours du combattant. Malgré cela, elle admire la détermination de ceux qu’elle accompagne : « Ils nous entraînent, nous les bénévoles, à ne pas lâcher. »

Une alerte déjà formulée par la Défenseure des droits

En 2023, près d’un tiers des saisines adressées à la Défenseure des droits concernaient l’accès aux services publics pour les personnes étrangères, souvent en lien avec l’ANEF. L’institution avait alors dénoncé des « atteintes massives aux droits » et émis 10 recommandations pour améliorer l’accès aux démarches numériques.

Une action pour une insertion digne

Au-delà du recours juridique, les associations rappellent que ce combat vise à défendre l’accès aux droits les plus fondamentaux : travailler, se loger, vivre en famille. « Nous avons tous intérêt à ce que les réfugiés s’insèrent bien et rapidement dans notre pays », insiste Sylvestre Wozniak.

Les organisations requérantes

10 structures engagées dans l’accompagnement des personnes exilées ont uni leurs forces : la FAS, Aurore, Coallia, Emmaüs Solidarité, Forum Réfugiés, France terre d’asile, JRS France, la Cimade, Groupe SOS et le Secours Catholique – Caritas France.

Toutes dénoncent un système devenu inhumain, et appellent à une refonte urgente de l’outil numérique ANEF. Derrière la complexité administrative, ce sont des vies, des parcours et des droits fondamentaux qui sont aujourd’hui suspendus.