Malilka Domrane, l’histoire d’une rebelle dans l’âme !
29 avril 2022 à 10h44 par Fodil
Symbole de la résistance kabyle, Malika Domrane, musicienne, compositrice et militante de la cause amazigh, a contribué à l’émancipation de la femme et de la culture berbère ainsi qu’au combat pour la démocratie. Elle est reconnue comme l’une des grandes figures de la chanson kabyle.
Lorsque Malika Domrane vient au monde le 12 mars 1956 à Tizi-Hibel, en Grande Kabylie, ses parents ne se doutent pas qu’ils viennent de mettre au moins l’une des rares figures de résistance et de défense la cause amazigh.
Derrière son sourire apparent se cache en réalité une petite fille kabyle rebelle, bien décidé à changer les mentalités héritées de la période coloniale et à briser les tabous qui touchent les femmes en Algérie.
Jeune, rebelle et tenace
Toute petite déjà, Malika Domrane tient tête aux garçons de son âge. Si la célébrité de la chorale du lycée Fadhma N’soumeur de Tizi Ouzou a dépassé les frontières de la Kabylie, c’est en grande partie grâce à elle.
A quinze ans, alors qu’elle fait encore partie de ladite chorale, Malika Domrane compose elle-même son premier titre, « Tirga n’temzi » (Le rêve d’adolescente). Avec ce texte, elle se place dans le camp de celles qui se battent pour l’émancipation de la femme algérienne.
Montagnarde tenace, la chanteuse kabyle refuse de remettre le burnous blanc kabyle au défunt Président Boumediene lors de sa visite à Tizi Ouzou, considérant ce geste comme un acte de soumission au pouvoir central d’Alger, et affiche son soutien aux militants qui se battaient pour la dignité du peuple kabyle.
Sa rencontre avec Taos Amrouche
Les deux artistes se sont croisés lors de l’enterrement de la mère Taos Amrouche à Tizi-Hibel. Malika Domrane découvre l'Académie Berbère de Paris grâce à cette rencontre.
En 1969, elle participe au premier Festival Panafricain des Arts où elle remporte une médaille d'or.
Premier album à Paris
En 1979, la chanteuse s’envole pour la première fois à Paris, invitée par un producteur afin de réaliser un album en duo avec le chanteur « Sofiane », et le Slimane Azem, en personne, qui l'accueille à l'aéroport.
Lors de son séjour en France, elle fait également la rencontre de Mouloud Mammeri qui la présente à des anthropologues de plusieurs pays qui étudiaient la Kabylie.
L’album qu’elle enregistrera révèlera Malika Domrane aux yeux du grand public.
Une fervente militante de la cause berbère
De retour à Tizi Ouzou, elle prend son courage à deux mains pour montrer sa détermination et son engagement dans une lutte pacifique pour l'identité et la culture berbère.
En avril 1980, des étudiants kabyles, rejoints ensuite par l'ensemble de la population, manifestent contre la négation d’une histoire millénaire. Malika Domrane intègre le comité de vigilance de l'université de Tizi-Ouzou.
Elle chante pour les élèves et les lycéens et distribue des tracts pour la population afin de maintenir la mobilisation. Elle était l’une des rares femmes à figurer dans ce mouvement.
Les années qui ont suivi ce qu’on a appelé « le printemps berbère » n'ont pas été de tout repos pour Malika. Elle subit de nombreuses humiliations, du harcèlement policier, des détentions et des menaces.
L’ange gardienne des femmes malades
En dehors de sa carrière d’artiste chanteuse, Malika Domrane est infirmière de profession. Les nombreuses années passées aux cotés de femmes malades lui forgent un caractère fort.
Elle découvre la souffrance de ces femmes tombées dans la « folie » à cause de la bêtise humaine, de l'inceste, de l'adultère, de l'infertilité ou encore par manque d'amour. Et pour les soulager et les aider à s’endormir, Malika n’utilise pas de somnifères, elle chante.
Elle a ensuite chanté "L'amour maudit", "Mon amour est mort" et "L'amour insolite", rendant hommage à ces femmes aux textes forts et incendiaires.
Déterminée à briser tous les tabous, elle chante « L'amour maudit », « Mon amour est mort » et « L'amour insolite » pour rendre hommage aux femmes qu’elle a rencontrées avec des textes forts et incendiaires.
Rebelle dans l’âme, Malika Domrane n’hésite pas à braver les interdits en assistant à une réunion du conseil de son village alors que les femmes n’y sont pas conviées où encore à s’installer avec des jeunes dans des cafés fréquentés majoritairement par des hommes.
La décennie noire la pousse à l’exil
Quelques jours après l'enlèvement de Matoub Lounès en Kabylie et l’assassinat de Cheb Hasni à Oran en 1994, la chanteuse craint pour sa vie. Elle décide ainsi de quitter l’Algérie pour la France la même année, loin de ses enfants restés bloqués en Kabylie pour des raisons administratives. Ce douloureux exil forcé ainsi que l’assassinat de son ami Matoub Lounès, en 1998, la marqueront profondément.
Quelques semaines après la mort de son ami Matoub, elle lui rend hommage lors d’un concert mémorable au Zénith de Paris en déclarant : « Je m’appelle liberté et je refuse d’obéir… Je porte toujours en moi la cicatrice de cette douleur inaltérable…. A chaque souvenir de toi (Lounès), je ne peux réprimer mes larmes qui coulent comme une source intarissable.»
Toujours présente pour la cause berbère même loin de sa terre natale
Alors que les affrontements en Kabylie ont fait plusieurs blessés et des centaines de morts en 2001, Malika Domrane est à l’accueil des mutilés du printemps berbère transférés à Paris. Elle est à leurs petits soins tout au long de leur séjour dans les hôpitaux de la capitale parisienne en leur apportant soutien et réconfort.
La chanteuse n’a jamais manqué à son devoir envers sa terre natale et restera à jamais comme l’un des rares symboles de la résistance féminine, de la culture et de la cause amazigh, et des droits des femmes.