Demandes de titres de séjour via l’ANEF : le Défenseur des droits révèle des ruptures de droits graves !
Plus de quatre ans après son lancement, la plateforme numérique ANEF est accusée de défaillances multiples, menaçant les droits fondamentaux des étrangers en France.
Publié : 17 décembre 2024 à 15h16 par La rédaction
Depuis 2020, l'Administration numérique des étrangers en France (ANEF) s'est imposée comme le principal canal pour les demandes de titres de séjour.
Pourtant, un rapport publié par le Défenseur des droits révèle que cet outil, censé simplifier les démarches administratives, engendre des ruptures de droits graves pour de nombreux ressortissants étrangers. Entre blocages techniques, manque d’accompagnement et impact social, le constat est alarmant.
Des dysfonctionnements persistants
Conçue pour dématérialiser les démarches administratives des étrangers, l’ANEF accumule les problèmes techniques et organisationnels.
Le Défenseur des droits rapporte des réclamations massives de personnes incapables de finaliser leurs demandes ou d'obtenir des réponses dans des délais raisonnables, même pour des renouvellements de titres de séjour. Ces derniers concernent pourtant des étrangers vivant légalement en France depuis plusieurs années.
Entre 2020 et 2024, les réclamations relatives aux droits des étrangers ont augmenté de 400%. En 2023, elles représentaient un quart des réclamations adressées au Défenseur des droits, et ce chiffre pourrait atteindre un tiers en 2024. Les trois quarts de ces plaintes concernent les titres de séjour, et une majorité porte sur des renouvellements, témoignant de l'ampleur des difficultés rencontrées par les usagers déjà régularisés.
Une situation de précarité prolongée
Les failles de l’ANEF maintiennent les personnes concernées dans une situation d’instabilité administrative qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Ne pas pouvoir justifier de son droit au séjour entraîne des conséquences lourdes, notamment la perte d’emploi, la suspension des prestations sociales, ou encore des difficultés d'accès aux soins.
Certains projets professionnels, comme des formations ou des changements d’emploi, ainsi que des démarches personnelles, comme des déménagements ou des visites familiales à l’étranger, se trouvent bloqués.
Selon le rapport, les services censés accompagner les usagers – comme les Points d'accueil numériques (PAN) ou le Centre de contact citoyen (CCC) – ne parviennent pas à surmonter ces obstacles. Le personnel manque souvent de qualifications, les échanges s'avèrent infructueux, et les usagers se retrouvent dans l’incapacité d’accéder à une alternative physique pour déposer leurs dossiers, malgré une décision du Conseil d’État en 2022 qui impose de garantir ce droit.
Des ruptures de droits dénoncées
Le Défenseur des droits alerte sur les atteintes aux droits économiques et sociaux découlant des défaillances de l’ANEF. Une personne incapable de renouveler son titre de séjour risque de perdre son emploi ou son logement, et de se retrouver sans protection sociale. Ces situations s’accompagnent d’un sentiment de vulnérabilité, les usagers se retrouvant confrontés à une bureaucratie inadaptée et à un manque de réponses claires.
Dans une décision du 3 juin 2022, le Conseil d’État avait pourtant stipulé que la dématérialisation ne pouvait être imposée qu’à condition de garantir un accès effectif aux services et d'offrir des solutions alternatives en cas de blocage. Or, le rapport montre que cette condition n'est pas respectée.
Recommandations pour une réforme urgente
Face à l'urgence de la situation, le Défenseur des droits émet 14 recommandations pour garantir une ANEF fonctionnelle et accessible, notamment la reconnaissance légale des alternatives physiques avec l'intégration dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une disposition permettant de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable, l'automatisation des attestations avec un renouvellement automatique des attestations de prolongation d’instruction et la création d’une attestation dématérialisée créatrice de droits pour les personnes en cours de régularisation, ainsi que l’amélioration de l’information par une mise à jour régulière des sites des préfectures pour orienter efficacement les usagers dans leurs démarches.
Une dématérialisation à repenser
Bien que l’objectif initial de simplification des démarches administratives reste louable, le déploiement de l’ANEF révèle des lacunes majeures qui mettent en péril les droits fondamentaux de milliers de personnes. Si aucune mesure corrective n'est prise rapidement, ces défaillances continueront de peser sur les usagers, renforçant une précarité déjà criante.
Le rapport du Défenseur des droits appelle à une réforme urgente pour garantir que la numérisation ne devienne pas synonyme d'exclusion, mais un outil véritablement au service des citoyens et de la justice sociale.