Hommage à Madame Louisa par Nacer Kettane !
Sur la pointe des pieds, drapée dans sa discrétion légendaire, Madame Louisa vient de tirer sa révérence à l'âge de 95 ans.
Publié : 9h08 par Nacer Kettane
Icône du monde de la voyance, de l'astrologie elle trône avec mesdames Soleil, Irma ou encore Sylvia, au firmament de ces constellations divinatoires.
Un podium ô combien convoité par ces artistes, mariant la boule de cristal, les cartes, le plomb ou encore l'effluve des encens magiques.
En élisant quasiment domicile sur nos antennes de radio Beur à Beur FM, sa proximité exceptionnelle et spectaculaire avec les auditrices et les auditeurs ; elle avait un malin plaisir à dire que nos radios étaient comme sa deuxième maison.
Sa mise en place radiophonique, véritable cérémonial, était digne d'un vrai spectacle qu'elle renouvelait sans cesse en y ajoutant des ingrédients de sa propre composition.
Alignant les cartes, s’entourant d’une ou deux personnes venues pour vanter ses bienfaits ou lire des courriers de consultant.e.s reconnaissant.e.s.
Car ces témoignages étaient sa vraie carte de visite. En confirmant tout le bien qu'ils pensaient de « maman Louisa », ces tranches de vie venaient affirmer ou confirmer cette capacité que cette surdouée aux dons innés avait de permettre aux gens de renouer avec les projets, l'optimisme, la vie.
Ainsi, ses lettres de remerciements constituaient pour elle un « manteau protecteur » inspirant une dévotion quasi irrationnelle.
Ces lettres, ces témoignages étaient alors ses plus belles victoires, ses plus beaux « diplômes ». La reconnaissance prodiguée faisait alors son œuvre. Son talent lui interdisait de se moquer, de mentir, de voler son prochain, et n'hésitant pas à rembourser sur-le-champ l'éventuel récalcitrant, mécontent.
À ce titre, peu ou prou de conflits ont jalonné la carrière de cette voyante quasi centenaire.
Elle mettait un point d'honneur à dire régulièrement qu'elle n'était ni médecin, ni magistrat, et qu'à ce titre, sa seule ambition était de contribuer au bonheur des gens en essayant d'entrevoir la solution à leurs problèmes : solution dont eux seuls avaient la recette.
Cette humilité lui valut des éloges nationaux et internationaux. Elle prenait plaisir à montrer ou arborer les multiples cadeaux reçus en témoignages de remerciements, présents qui trônaient en bonne place dans son minuscule studio de la porte de la Chapelle, transformé pour l'occasion en boîte à miracles, en élixir de jouvence, en confessionnal ou encore en salle d'analyse.
Au fil du temps, elle s'était intégrée à de multiples événements (concerts, Chorba pour Tous, etc).
Il n'était pas rare de l'avoir arpenter les couloirs du Zénith ou encore de servir le couscous aux plus démunis. C'était alors un moment privilégié pour elle et le public de se rencontrer, l'occasion de « toucher » ce personnage mythique, rivalisant avec les plus grands marabouts !
Croyante, elle faisait du partage, du don de soi, sa ligne de conduite. En ce sens, elle tordait le cou à toutes les idées reçues, à tous les préjugés.
« Madame Louisa, voyante kabyle », a marqué son temps et plusieurs générations. Elle a essayé de concilier les peines et l'amour, l'échec et le sursaut, le doute et la réussite, le désespoir et la foi, la rivalité et l'amitié.
Au-delà de ce don qu'elle disait avoir hérité de son grand-oncle, elle s'est évertuée à voir le monde comme il est vraiment.
Par sa voix, ses gestes, elle nous invitait à mieux l’appréhender, le comprendre.
À ce titre, elle s'est forgée cette identité tant convoitée : celle de passeuse d'Humanité.
Chère Louisa, que ton âme repose en paix.