"Il y a une forme d’amateurisme" : Dominique de Villepin critique la gestion de la crise franco-algérienne !
Dominique de Villepin critique la gestion de la crise franco-algérienne. L'ancien Premier ministre appelle à la retenue dans les relations diplomatiques après les propos de Bruno Retailleau à l'encontre de l'Algérie.
Publié : 24 février 2025 à 16h06 par La rédaction
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Les relations diplomatiques entre Alger et Paris battent de l’aile. Au lendemain de l'attaque au couteau de Mulhouse, qui a fait un mort et sept blessés, les tensions politiques autour de la question migratoire se sont ravivées.
Invité sur BFMTV ce dimanche 23 février, Dominique de Villepin a exprimé de vives critiques à l'encontre de Bruno Retailleau, actuel ministre de l’Intérieur, concernant ses déclarations sur l’Algérie et la gestion des expulsions.
Une attaque qui relance les débats migratoires
L'attaque de Mulhouse a une nouvelle fois ravivé le débat autour des expulsions d’étrangers en situation irrégulière. Le suspect, un Algérien de 37 ans visé par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), n’a jamais été renvoyé en Algérie malgré dix tentatives, selon Bruno Retailleau.
Samedi soir, sur TF1, le ministre de l’Intérieur a accusé Alger de bloquer ces expulsions et a appelé à une refonte de l’accord bilatéral de 1968, qui facilite la délivrance de titres de séjour aux ressortissants algériens.
Bruno Retailleau a également affirmé que « les désordres migratoires sont aussi à l’origine de cet acte terroriste », plaidant pour une approche plus dure vis-à-vis d’Alger. Il a insisté sur la nécessité d’imposer un « rapport de force » avec le gouvernement algérien : « On a été assez gentils, on a tendu la main à l'Algérie, qu'avons-nous eu en retour ? », a-t-il martelé.
Dominique de Villepin dénonce une approche « amateuriste »
Ces déclarations n’ont pas tardé à faire réagir Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre sous Jacques Chirac.
Sur BFMTV, il a critiqué la méthode du ministre de l’Intérieur, la qualifiant d’« amateuriste » et contre-productive. « La surenchère du durcissement ne réglera rien », a-t-il insisté. Pour lui, ce type de discours ne fait qu’envenimer les relations diplomatiques entre Paris et Alger.
Fort de ses « quarante ans d'expérience diplomatique », Dominique de Villepin a souligné que ce n’est pas « en jouant le bras de fer », ni « sur la scène publique et au 20 heures de TF1 », que la France pourra obtenir des avancées avec l’Algérie. Il a rappelé que la diplomatie exige de la discrétion et du dialogue, et non des affrontements médiatiques.
« Ce n’est pas le rôle du ministre de l’Intérieur »
Au-delà du fond, Dominique de Villepin s’est également interrogé sur la légitimité de Bruno Retailleau à s’exprimer sur des sujets relevant, selon lui, du ministère des Affaires étrangères et de l’Élysée.
« La relation avec l’Algérie, c’est d’abord la responsabilité du ministre des Affaires étrangères et du président de la République », a-t-il affirmé. Il considère que le ministre de l’Intérieur outrepasse ses prérogatives en mêlant politique intérieure et diplomatie.
Il a également mis en garde contre le danger d’instrumentaliser la politique étrangère pour des raisons électoralistes, notamment en exploitant le sujet ultra-sensible de l'immigration. « La responsabilité politique, ce n’est pas d’aller dans le sens du vent, de surenchérir, et d’aller de micro en micro alors qu’il faut tenir le manche de la République », a-t-il souligné.
Rien ne va plus entre Alger et Paris
Les propos de Bruno Retailleau interviennent dans un contexte déjà tendu entre la France et l’Algérie. Plusieurs sujets épineux ont récemment ravivé les tensions bilatérales, notamment la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ou encore les polémiques autour des mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie. À cela s’ajoutent des affaires récentes, comme l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal ou encore les polémiques autour d’influenceurs algériens.
La complexité de ces relations rend d’autant plus délicate toute déclaration publique. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a lui-même tempéré les propos de Bruno Retailleau en déclarant que « la diplomatie, c’est toute une palette d’outils », et que l'objectif principal reste « la sécurité des Français », et non la recherche de rapports de force.
Bruno Retailleau, la vraie menace pour le RN en 2027 ?
Pour certains observateurs, les prises de position fermes du locataire Place Beauvau s'inscrivent dans une stratégie électorale. Candidat à la présidence des Républicains, Bruno Retailleau semble chercher à séduire l'électorat préoccupé par les questions migratoires.
Antoine Bristielle, politologue et directeur de l’observatoire de l’opinion à la Fondation Jean Jaurès, estime que ces positions visent à « élargir le socle électoral des Républicains vers celui du Rassemblement national ».