Immigration : Bruno Retailleau plaide pour une "dénonciation" de l’accord franco-algérien de 1968 !
Le ministre de l’Intérieur remet en question le statut accordé aux Algériens en France, alors que les relations entre Paris et Alger s’enveniment.
Publié : 2 décembre 2024 à 14h32 par La rédaction
Lors de son audition au Sénat mercredi 27 novembre, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a vivement critiqué l’accord franco-algérien de 1968, qui octroie des droits spécifiques aux ressortissants algériens arrivant en France.
Plaidant pour une remise en question de cet accord, le ministre a pointé du doigt une situation « exorbitante » qu'il estime « dépassée » au vu de l’évolution des relations entre les deux pays.
Une position personnelle sur un accord controversé
Bruno Retailleau a exprimé sa préférence pour une « dénonciation » de l’accord, précisant néanmoins que sa position « n’engage[ait] pas le gouvernement ». Cet accord bilatéral, signé le 27 décembre 1968 dans le prolongement des accords d’Évian, établit un régime dérogatoire au droit commun pour les Algériens, leur permettant des conditions privilégiées en matière de séjour, d’immigration familiale et d’emploi. « Un droit exorbitant et que plus rien ne justifie », a martelé le ministre.
L'accord a été modifié à plusieurs reprises, en 1985, 1994 et 2001, mais n'a pas intégré les réformes récentes du droit des étrangers, comme celles de la loi de janvier 2024.
Un contexte diplomatique tendu
Les propos de Bruno Retailleau s’inscrivent dans un contexte de vives tensions entre la France et l’Algérie. L’annonce par Emmanuel Macron en juillet 2024 de la reconnaissance de l’autonomie marocaine au Sahara occidental a suscité la colère d’Alger, entraînant un rappel de l’ambassadeur algérien à Paris et la nomination d’un simple chargé d’affaires pour gérer la représentation diplomatique. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a également annulé une visite prévue à Paris à l’automne 2024.
Le locataire Place Beauvau a illustré ces tensions en évoquant le cas de Boualem Sansal, un écrivain franco-algérien arrêté en Algérie en novembre dernier. Il a également critiqué des comportements qu'il qualifie de « violations de notre souveraineté » par Alger, tout en restant vague sur les faits qu’il reproche.
« Peut-être que le service que l’on peut mutuellement se rendre, c’est de s’oublier un peu l’un l’autre, notamment en matière d’accords migratoires », a ajouté le ministre, soulignant que l’Algérie agit depuis longtemps de manière indépendante.
Les implications migratoires de l'accord
Le ministre a également dénoncé un déséquilibre dans les dispositifs de reconduite aux frontières. En 2023, seulement 2 000 laissez-passer consulaires avaient été délivrés par l’Algérie, bien que les Algériens représentent 40% des effectifs dans les centres de rétention administrative (CRA) en France.
Des critiques et des mises en garde
Si Bruno Retailleau a balayé les difficultés juridiques d’une dénonciation de l’accord, affirmant qu’un retour au droit commun serait possible sans retomber sur les accords d’Évian, certains élus ont exprimé des réserves.
La sénatrice RDSE Sophie Briante Guillemont a mis en garde contre les conséquences potentielles pour les 30 000 Français vivant en Algérie. « Ce sont souvent les premiers affectés par la dégradation de nos relations bilatérales », a-t-elle averti.
À l’inverse, des parlementaires, comme la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, ont salué la position du ministre, estimant qu’une ligne plus ferme vis-à-vis d’Alger est nécessaire. « Franchement, je pense que l’on est aujourd’hui à un point dans nos relations qui oblige la France à avoir une position très claire », a-t-elle déclaré.
Quel avenir pour l'accord ?
La question de l’avenir de l’accord franco-algérien de 1968 reflète des débats plus larges sur la gestion migratoire en France et les relations historiques complexes avec l’Algérie. Alors que les tensions diplomatiques et les déséquilibres migratoires s’accumulent, le sujet risque de rester au cœur des débats politiques dans les mois à venir.