"Les Algériens en France" de Benjamin Stora : l’histoire de l’immigration algérienne en bande dessinée !

13 septembre 2024 à 10h22 par La rédaction

Benjamin Stora et Nicolas Le Scanff publient « Les Algériens en France : une histoire de générations » aux éditions La Découverte, une bande dessinée pour renouer avec l’histoire de l’immigration algérienne.

Benjamin Stora
Crédit : Benjamin Stora - Facebook

Ce jeudi 12 septembre 2024 marque la sortie de « Les Algériens en France : une histoire de générations », une bande dessinée signée par l'historien Benjamin Stora et le dessinateur Nicolas Le Scanff.

Cet ouvrage plonge au cœur de l’histoire de l’immigration algérienne en France, en partant des premiers travailleurs algériens dans l’entre-deux-guerres jusqu’à la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. En mêlant récits historiques et témoignages personnels, l’ouvrage vise à sortir de l’invisibilité cette histoire souvent méconnue.

Un travail de mémoire nécessaire

En s’appuyant sur ses nombreuses recherches et notamment sur sa thèse de doctorat, Benjamin Stora a souhaité adapter cette vaste histoire en bande dessinée pour toucher un public plus large, notamment les jeunes générations.

« L’idée m’est alors venue de "mettre en dessins" ma thèse de doctorat sur l’histoire de l’immigration algérienne », explique l’historien. Cette seconde collaboration avec Nicolas Le Scanff fait suite à leur première bande dessinée consacrée aux juifs d’Algérie.

Le format graphique se prête parfaitement à l’ambition des auteurs : raconter de manière vivante une histoire marquée par des luttes politiques et sociales, souvent ignorées. La bande dessinée retrace ainsi les trajectoires des travailleurs algériens, venus principalement de Kabylie dès les années 1920, pour travailler dans les mines, les usines et les cafés-hôtels en France.

Une plongée dans les luttes sociales et politiques

Les récits entrecroisés de « Les Algériens en France : une histoire de générations » sont ancrés dans des moments clés de l’histoire de l’immigration algérienne. Les premières vagues de travailleurs, souvent invisibles, étaient des sujets coloniaux et non des citoyens français, une situation qui complexifie leur place dans la société française.

Cette histoire est marquée par des luttes pour l’indépendance algérienne, des conflits internes entre nationalistes algériens, ainsi que des répressions violentes, comme le massacre du 17 octobre 1961.

Les récits s’articulent autour de lieux de mémoire : les bidonvilles de Nanterre, les cafés-hôtels de banlieue parisienne ou encore les mines de Liévin. À travers ces lieux emblématiques, Benjamin Stora et Nicolas Le Scanff offrent une plongée inédite dans le quotidien des immigrés algériens, qui ont non seulement participé à l'industrialisation de la France, mais ont aussi mené des luttes sociales et politiques majeures.

La Marche des beurs comme fil conducteur

Le fil conducteur du récit est la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, aussi appelée « Marche des beurs ». Ce mouvement de jeunes issus de l’immigration algérienne, réclamant des droits égaux et une reconnaissance de leur citoyenneté française, est un symbole fort des espoirs et des frustrations de cette génération.

Les auteurs montrent comment les enfants de l’immigration algérienne, élevés dans l’idée d’un retour au pays, ont finalement réclamé leur place en France, témoignant à la fois des souffrances de leurs parents et de l’injustice subie par leur propre génération. « Ils disent vouloir rester fidèles à la mémoire de leurs pères, tout en voulant désormais être résolument français », précise Benjamin Stora.

Une histoire entre mémoire et actualité

Naïma Yahi, chercheuse et spécialiste de l’histoire de l’immigration, souligne dans la préface l’importance de cet ouvrage pour « recoudre le tissu mémoriel » entre les générations d'immigrés et la société française. Pour elle, cette bande dessinée contribue à combler les lacunes de la mémoire collective, en mettant en lumière une histoire trop souvent passée sous silence.

Dans le contexte actuel de débats intenses sur l’immigration, les accords franco-algériens et la montée de l’extrême droite, ce travail de mémoire est plus que jamais essentiel. Benjamin Stora rappelle que ce projet a pour objectif de « montrer une histoire qui ne vise pas à séparer, à opposer des communautés, mais à rassembler ceux qui veulent l’application d’un idéal d’égalité et de liberté ».