Massacre du 17 octobre 1961 : quand une manifestation pacifique finit dans un bain de sang !

17 octobre 2024 à 13h38 par La rédaction

De Montreuil à Villeurbanne, en passant par Alfortville et Villejuif, les commémorations se multiplient sur tout le territoire pour rendre hommage aux victimes de la répression policière de la manifestation pacifique des Algériens du 17 octobre 1961.

17 octobre 1961
17 octobre 1961
Crédit : 17 octobre 1961

Cela fait désormais 63 ans que, dans la nuit du 17 octobre 1961, des milliers d'Algériens ont été violemment réprimés par la police parisienne alors qu'ils manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu discriminatoire imposé aux « Français musulmans d'Algérie ».

Cette tragédie, longtemps restée dans l'ombre, est désormais l'objet de nombreuses commémorations, de villes et d’associations à travers la France, qui visent à maintenir vivante la mémoire de cette nuit sanglante.

Une manifestation réprimée dans le sang

La soirée du 17 octobre 1961 a marqué l'histoire comme l'un des épisodes les plus sombres de la guerre d'Algérie en France. Entre 20 000 et 40 000 manifestants, répondant à l'appel de la Fédération de France du Front de Libération Nationale (FLN), ont défilé dans les rues de Paris pour contester un couvre-feu visant exclusivement les Algériens.

La réponse de la police, dirigée par le préfet Maurice Papon, a été brutale : matraquages, rafles, et, pour beaucoup, une fin tragique dans les eaux de la Seine. Cette répression a été immédiatement minimisée par les autorités de l'époque, qui ont qualifié ces événements de simples affrontements, et n'ont reconnu que trois victimes.

Cependant, la réalité est bien plus tragique. Les estimations des historiens, qui ont commencé à se pencher sur cet épisode à partir des années 1980, évoquent un bilan beaucoup plus lourd, allant de 38 à 48 morts selon les chiffres officiels, jusqu'à 200 selon certaines études. De nombreux manifestants ont disparu, et les témoignages de survivants décrivent une nuit de terreur.

Une quête de reconnaissance tardive

Ce n’est qu’au début des années 1990 que la France commence à lever le voile sur la tragédie. L’historien Jean-Luc Einaudi a joué un rôle déterminant en publiant « La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 », qui a permis de révéler l'ampleur de la répression.

La reconnaissance officielle est intervenue plus tardivement, en 2012, avec la déclaration de François Hollande qui, lors du 51e anniversaire de la tragédie, a affirmé : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. »

En 2021, pour le 60e anniversaire, le président de la République, Emmanuel Macron a rendu hommage aux victimes en se rendant sur le pont de Bezons, un lieu symbolique de ce drame. Le geste, accompagné d’une minute de silence, a marqué une nouvelle étape dans la reconnaissance des violences commises ce soir-là.

Une reconnaissance institutionnelle et des commémorations locales

Le 28 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté une résolution visant à reconnaître le « massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris ». Initiée par Sabrina Sebaihi, députée écologiste, cette résolution condamne la « répression sanglante et meurtrière » commise sous l’autorité de Maurice Papon. Le texte, bien que symbolique et sans contrainte pour l'exécutif, appelle à l’inscription de cette date dans le calendrier des journées nationales de commémoration.

La résolution a reçu le soutien de plusieurs groupes parlementaires, dont le parti Renaissance, illustrant une volonté de confronter « les pages sombres » de l’histoire française. La ministre déléguée Dominique Faure a, de son côté, salué les actions du président Emmanuel Macron pour favoriser le dialogue mémoriel entre la France et l’Algérie.

Des voix divergentes et un débat encore vif

Cette reconnaissance n’a toutefois pas fait l’unanimité. Le Rassemblement national (RN), par la voix de Frank Giletti, a critiqué la résolution, la qualifiant de « repentance à outrance » et dénonçant ce qu’il perçoit comme une instrumentalisation à des fins politiques. Ses propos ont provoqué de vives réactions, notamment chez les députés de gauche qui ont dénoncé « le racisme rance » et les tentatives de révisionnisme de certains élus.

Des commémorations à travers la France pour entretenir la mémoire

Chaque année, plusieurs villes en France organisent des cérémonies pour honorer la mémoire des victimes du 17 octobre 1961.

Cette année, à Alfortville, jumelée avec la ville algérienne d'El Biar, la journée du 17 octobre occupera une place centrale dans la Biennale franco-algérienne en partenariat avec Beur FM. À 17h, une cérémonie sera organisée autour de l’arbre du souvenir planté en mémoire des victimes sur l’Île au Cointre. Cette commémoration sera suivie d'une conférence de Benjamin Stora, historien et spécialiste de la guerre d'Algérie, pour apporter un éclairage historique sur ces événements tragiques.

Villeurbanne, pour sa part, rendra également hommage aux victimes avec une cérémonie au parc des Droits-de-l’Homme, où une plaque commémorative sera dévoilée. Cédric Van Styvendael, maire de la ville, a souligné l'importance de reconnaître la gravité des « crimes commis cette nuit-là » pour la République française, rappelant qu’il s’agit d’un « devoir de mémoire ».

À Montreuil, la mémoire de la répression du 17 octobre 1961 est entretenue de manière active. La ville a donné le nom « 17-octobre-1961 » à une rue pour inscrire cette tragédie dans son patrimoine. Cette année, une nouvelle cérémonie se tiendra à l’angle de cette rue, en présence d’élus et de représentants associatifs, pour rappeler le sacrifice des manifestants et la brutalité de la répression. Benjamin Stora y présentera également son dernier ouvrage, sous forme de bande dessinée, retraçant l’histoire de l’immigration algérienne en France.

Une mémoire toujours vive

Ces commémorations, organisées dans plusieurs villes de France, illustrent la volonté de ne pas laisser s'effacer le souvenir de cette répression longtemps occultée. Elles visent à transmettre cette histoire aux nouvelles générations, à rappeler la violence de cette nuit d'octobre et à réhabiliter la mémoire des victimes.