Rachid Taha, l'âme rebelle de la musique : six ans après, son héritage résonne toujours !
12 septembre 2024 à 12h25 par La rédaction
Six ans après sa disparition, l’héritage de Rachid Taha résonne toujours à travers le monde. L’artiste franco-algérien a marqué son époque par son engagement et sa musique sans frontières.
Le 12 septembre 2018, le monde de la musique perdait l'une de ses figures les plus emblématiques et iconoclastes, Rachid Taha. À l'âge de 59 ans, le chanteur franco-algérien s’éteignait dans son sommeil, victime d’une crise cardiaque, laissant derrière lui un héritage musical profondément ancré dans les luttes sociales et culturelles.
Né à Saint-Denis-du-Sig (actuellement Sig) en Algérie en 1958, Rachid Taha avait fait de sa carrière un pont entre deux mondes, mêlant raï, chaâbi, rock, punk et techno avec une audace rare, et s’imposant comme un porte-voix de l’immigration algérienne en France.
Une jeunesse bercée par la diversité musicale
Rachid Taha arrive en France en 1968 à l’âge de 10 ans, suivant son père, un ouvrier de l’industrie textile. C'est dans les Vosges qu'il grandit, une enfance marquée par un double déracinement : celui de sa terre natale, l'Algérie, et celui de la France, qui ne lui reconnaît pas d’emblée sa place.
Très vite, il se réfugie dans la musique pour exprimer cette double identité. Le jeune Rachid, passionné par les chansons d'Oum Kalthoum, mais aussi par le rock et le punk britannique, trouve dans la fusion des genres un moyen d’affirmer sa singularité.
En 1980, installé à Lyon, il cofonde le groupe Carte de Séjour avec Mohammed et Moktar Amini. Leur musique, un mélange explosif de rock et de musiques traditionnelles arabes, devient un manifeste sonore contre les discriminations que subit la jeunesse issue de l'immigration.
Le groupe se fait rapidement connaître grâce à une reprise de « Douce France », une chanson de Charles Trenet que Rachid Taha et ses acolytes réinterprètent en 1986. Ce titre, devenu un hymne pour une génération d'immigrés, dénonce subtilement la marginalisation des enfants de la deuxième génération.
Une carrière solo éclatante
Après la dissolution de Carte de Séjour en 1989, Rachid Taha poursuit une carrière solo marquée par l’expérimentation et l’ouverture musicale. En 1991, il sort « Barbès », un premier album solo qui pose les jalons de sa notoriété.
Il s’entoure de producteurs comme Steve Hillage, célèbre guitariste du groupe Gong, avec qui il collaborera sur huit albums. Ensemble, ils façonnent un son unique, oscillant entre rythmes orientaux, guitares électriques et beats électroniques.
Mais c'est avec « Diwân », en 1998, que Rachid Taha atteint une reconnaissance internationale. Cet album, hommage à la musique chaâbi et aux grands artistes de l'immigration algérienne comme Dahmane El Harrachi, contient l’un de ses plus grands succès : « Ya Rayah ». Cette chanson, qui évoque la douleur de l'exil, devient un tube planétaire, et fait de Rachid Taha un ambassadeur de la culture algérienne dans le monde entier. Il collabore également avec des artistes de renom comme Khaled sur l’album « Un, deux, trois soleils », qui rassemble les voix les plus importantes de la musique raï.
Une figure de la contestation
Rachid Taha n'était pas seulement un musicien talentueux. Il incarnait aussi une certaine idée de la révolte et de la contestation sociale. En adaptant des chansons comme « Rock the Casbah « des Clash, qu'il transforme en « Rock el Casbah » dans une version célébrée même par les membres du groupe original, il fait de la musique un espace de confrontation et de dialogue entre les cultures.
Toujours à la marge, il utilise sa notoriété pour dénoncer les injustices, que ce soit les conditions des immigrés en France ou les stéréotypes raciaux et culturels. « Le harcèlement, les humiliations, je les ai vécus », disait-il souvent pour expliquer son engagement.
Il se battait pour une société plus juste, où les jeunes issus de l’immigration pourraient trouver leur place sans avoir à renoncer à leurs origines. À travers ses concerts, ses interviews, et même ses écrits, notamment son autobiographie « Rock la Casbah », Rachid Taha n’a cessé de militer pour l’égalité et contre le racisme.
Un artiste universel
Même si sa carrière a pris racine en France, Rachid Taha a toujours eu une envergure internationale. Sa musique transcendait les frontières et touchait un public bien au-delà des communautés franco-algériennes.
Sa capacité à fusionner des styles apparemment opposés, à créer des ponts entre des mondes musicaux différents, lui a valu une reconnaissance mondiale. En 2013, il rend hommage à deux icônes : Elvis Presley et Oum Kalthoum dans son album « Zoom », une preuve supplémentaire de son éclectisme et de son goût pour l’expérimentation.
Une fin tragique, mais un héritage impérissable
Rachid Taha souffrait depuis longtemps de la maladie d'Arnold-Chiari, qui affectait son équilibre. Mais ce n’est pas cette maladie qui l’a emporté, c’est une crise cardiaque, dans la nuit du 11 au 12 septembre 2018, seulement six jours avant son 60e anniversaire. Il laisse derrière lui un héritage musical immense, une œuvre qui continue d’inspirer les jeunes générations.
Rachid Taha repose désormais à Sig, en Algérie, sa terre natale. Mais son esprit rebelle, son humour acide et sa musique résonneront encore longtemps, aussi bien en France qu’à travers le monde. Son parcours, fait d’exil, de lutte et de succès, est celui d’un artiste inclassable, qui a su transformer ses douleurs personnelles en une force créatrice exceptionnelle.