"Mauvaise langue" diffusé sur France 2 : un documentaire pour briser le tabou de la langue arabe en France !
16 septembre 2024 à 13h06 par La rédaction
Un documentaire explore les obstacles et les polémiques autour de l'apprentissage et de la transmission de l'arabe en France.
La langue arabe, bien que parlée par environ 3 à 4 millions de personnes en France, demeure paradoxalement l'une des moins enseignées dans les écoles et les lycées. Alors qu'elle est la deuxième langue la plus parlée du pays, elle ne figure que dans 3% des établissements scolaires, un chiffre inférieur à celui du russe ou du chinois.
Le documentaire « Mauvaise langue », diffusé sur France 2 le 11 septembre 2024, s’intéresse à cette réalité complexe et met en lumière les raisons pour lesquelles de nombreux Français d'origine arabe n'ont pas appris ou transmis la langue de leurs parents.
La honte de sa propre langue
Le documentaire, réalisé par Nabil Wakim et Jaouhar Nadi, plonge dans les histoires personnelles de Français d’origine arabe, qu’ils soient anonymes ou personnalités publiques. À travers des récits intimes, ils révèlent le malaise et parfois même la honte associés à la langue arabe.
Nabil Wakim, journaliste au Monde et né au Liban, raconte son propre parcours. Arrivé en France à l'âge de 4 ans, il a rapidement adopté le français, délaissant l'arabe, la langue de sa mère, qu'il avait peur d'entendre dans les rues.
« Plus tard, devenu père, j'ai même choisi de ne pas parler arabe à ma fille », confie-t-il, expliquant cette décision par un instinct de « survie » dans un contexte post-attentats où l'arabe est souvent perçu sous un jour négatif.
Une langue victime de préjugés
Pourquoi tant de Français de culture arabe ressentent-ils ce besoin de dissimuler ou d’oublier leur langue maternelle ? Selon Nabil Wakim, l'arabe en France est longtemps resté associé à une image de pauvreté et de déclassés, notamment dans les années 1980. Ce stigmate s’est ensuite renforcé avec les craintes de radicalisation et les polémiques politiques sur le communautarisme.
L'ancienne ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, interrogée dans le documentaire, se souvient de la violente opposition à sa proposition de promouvoir l’enseignement de l’arabe à l’école républicaine en 2016. « On m’accusait de vouloir imposer la ‘langue du Coran’ à tous les petits Français », explique-t-elle, déplorant une méconnaissance de la diversité des locuteurs arabes, parmi lesquels on trouve également des athées, des chrétiens, et bien d’autres.
Une transmission fragile
L'une des grandes interrogations du film est de comprendre pourquoi la communauté arabophone en France est celle qui transmet le moins sa langue. Des personnes comme l'artiste Mariam Benbakkar évoquent un sentiment d’incomplétude : « Je suis perçue comme Marocaine, mais je ne parle pas l'arabe, ce qui me fait me sentir illégitime, comme si je n’étais pas complète », dit-elle face caméra, symbolisant un déchirement entre deux cultures.
Un enjeu politique et social
Le documentaire interroge également les raisons pour lesquelles l'apprentissage de l'arabe suscite de vives polémiques en France. Chaque débat sur l'enseignement de cette langue se transforme en pugilat, alimenté par les craintes de communautarisme et les fantasmes d’un « grand remplacement » ou d'une radicalisation supposée.
Pourtant, selon les experts interrogés, la promotion de l'apprentissage de l’arabe pourrait non seulement enrichir la diversité culturelle du pays, mais aussi renforcer le niveau de francophonie des élèves.
Zeinab Zaza, une enseignante d'arabe aujourd’hui à la retraite, souligne ainsi que « parler une autre langue est une chance, pas un handicap ». Elle affirme que maîtriser l’arabe permettrait aux francophones de devenir « plus cultivés, plus heureux et plus équilibrés ».
Une revendication douce pour une reconnaissance linguistique
Si le documentaire adopte un ton personnel et introspectif, il soulève néanmoins une revendication subtile : celle d’une reconnaissance accrue de la langue arabe dans les établissements scolaires français.
Au-delà des récits individuels, la question sous-jacente est celle de l'inclusion et de la valorisation des langues d'origine au sein du système éducatif. Les témoignages révèlent que l'arabe continue d'être perçu, à tort, comme une menace pour l'identité républicaine, alors qu'il pourrait enrichir le tissu culturel et linguistique du pays.