Tunisie : l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani condamnée en appel à 8 mois de prison !
12 septembre 2024 à 14h29 par La rédaction
La Cour d’appel de Tunis a confirmé la condamnation de Sonia Dahmani, suscitant l'indignation de son comité de défense et des observateurs internationaux.
La Cour d’appel de Tunis a rendu son verdict mardi 10 septembre 2024, réduisant la peine de prison de l’avocate Sonia Dahmani de douze à huit mois de détention. Cette décision intervient dans le cadre de son appel contre une première condamnation prononcée en juillet dernier, après une déclaration médiatique controversée sur les migrants subsahariens en Tunisie.
Une affaire qui remonte à mai 2024
Sonia Dahmani, avocate reconnue pour son franc-parler, avait été arrêtée le 11 mai 2024 en pleine émission télévisée. Interpellé par des policiers masqués dans les locaux de l’Ordre des avocats à Tunis, son arrestation avait suscité une onde de choc dans le pays. Condamnée en première instance à un an de prison en juillet 2024, en vertu du décret-loi n°54, elle a vu sa peine réduite à huit mois lors de cette audience en appel.
Le décret-loi n°54, adopté dans le cadre de la lutte contre les discours haineux et la désinformation, est à l’origine de la condamnation de l’avocate. Lors de ses déclarations, Sonia Dahmani avait critiqué la gestion de la question migratoire en Tunisie, notamment en ce qui concerne les migrants subsahariens, une prise de parole qui lui a valu cette lourde peine.
Des conditions d’audience critiquées
Le comité de défense de Sonia Dahmani, composé notamment de l’avocat français Pierre-François Feltesse, a vivement dénoncé les conditions dans lesquelles l’audience d’appel s’est déroulée.
Selon lui, « les avocats n’ont même pas pu plaider » pour la libération de leur cliente. L’audience, suspendue durant la journée, s’est conclue tard dans la soirée avec l’annonce du nouveau jugement.
De plus, le comité de défense a alerté sur ce qu’il qualifie de « harcèlement judiciaire » à l’encontre de Sonia Dahmani. Dans un communiqué, ils ont dénoncé des atteintes aux droits fondamentaux de leur cliente, notamment lors de sa comparution le 20 août 2024, où elle a été soumise à une « fouille à corps indigne et humiliante ».
Ils ont également critiqué l’obligation imposée à l’avocate de porter un « long voile blanc », traditionnellement réservé aux femmes jugées dans des affaires de mœurs, bien qu'aucun texte juridique ne le prévoie.
Un contexte politique tendu
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de tensions politiques et sociales en Tunisie. Plusieurs figures de la société civile et de l’opposition ont exprimé leurs préoccupations quant à l’évolution des droits et libertés dans le pays, notamment depuis que le président Kaïs Saïed a renforcé ses pouvoirs en 2021.
S’exprimant sur cette affaire, l’avocat Amin Mahfoudh a qualifié cette situation de reflet d'une réalité inquiétante en Tunisie, celle de « la marginalisation et de l'atteinte au droit de se défendre ».
Boubaker Bethabet, autre avocat proche du dossier, a critiqué la décision de la Cour d'appel, affirmant que celle-ci « a levé la séance pour examiner une demande de récusation, mais au lieu de reprendre les plaidoiries, elle a rendu une décision finale confirmant l'accusation ».
La réaction de la communauté internationale
La condamnation de Sonia Dahmani a également attiré l'attention des observateurs internationaux. Pierre-François Feltesse a annoncé l'intention de saisir le groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire, soulignant les nombreuses irrégularités dans le traitement de cette affaire.